Autant vous y faire d'emblée : pour tous les béotiens, le Vultus est « la moto de Batman » ; une réflexion que nous avons entendue à foison durant notre semaine d'essai. Du reste, ses concepteurs ne nous feront jamais accroire ne pas avoir pensé au Dark Knight en le dessinant ; c'est tout juste si l'extrémité de la coque arrière n'en reprend pas l'emblème... Remarquez, Judge Dredd (vous savez, I am the law!) s'en serait accommodé aussi. Bien entendu, on arguera que les designers nippons sont imprégnés de culture manga et que cette machine s'en inspire largement, pas vrai Akira ? Bref, baignant dans ces références vous voilà nanti d'une gueule (vultus, en latin) à nulle autre pareille : massivement inquiétante à l'avant mais fluide à l'arrière. Un coup de crayon cohérent dont la seule fausse note est à chercher, selon nous, du côté d'un silencieux d'échappement bien trop commun et qui aurait mérité, à tout le moins, une finition aussi noire que le reste. D'autre part, le NM4 en dit long sur le potentiel du premier constructeur mondial, puisque le Concept Vultus fut présenté pour la première fois en mars dernier à Osaka. Au vu de l'intérêt du public, la décision fut rapidement prise de le commercialiser aux Etats-Unis et le voici déjà chez nous ! « C'est bien aussi de concevoir une moto parce qu'on peut la faire et pas seulement parce qu'on doit la faire, dit-on malicieusement chez Honda. » Ah, j'y pense : NM4 signifie New Model 4 puisqu'on en est ici à la quatrième extrapolation de la lignée NC.

Joker
A maints égards, le Vultus vous donnera rapidement le sourire du Joker. Par exemple, c'est l'engin rêvé pour les narcissiques : le regard des autres vous indique qu'à son guidon, vous avez franchi la limite de la norme. Tantôt admiratif tantôt déconcerté voire incrédule, le quidam n'hésite pas à vous adresser la parole pour connaître la nature de l'engin. A part le sarcastique « et ça vole aussi ? », la question qui vous est le plus couramment posée est : « C'est quelle marque ? » Effectivement, les marquages sont très discrets, entérinant le côté avion furtif du Vultus ; et quand vous précisez qu'il s'agit d'une Honda, c'est l'étonnement qui prévaut car, pour la plupart des observateurs, le premier constructeur mondial n'a pas la créativité assez aventureuse pour oser un tel coup de crayon...
Evidemment, la qualité de fabrication et les finitions sont au rendez-vous ; tout s'agence impeccablement et semble fait pour durer. La selle passager, qui fait office de dossier lorsqu'on est seul, ajoute au confort du pilote en lui offrant un soutien parfait (dossier réglable en inclinaison et en profondeur). Le feu avant à LED est remarquablement clair et puissant, assurant de nuit un éclairage virtuellement parfait. On s'amuse d'un tableau de bord en triptyque qui vous laisse le choix entre... 25 couleurs d'éclairage et qui peut même changer de couleur tout seul en fonction du mode de conduite sélectionné. Car naturellement, le Vultus vous est livré équipé du DCT, le dispositif à double embrayage cher à Honda.
Rappelons-en le fonctionnement: la transmission à double embrayage propose deux modes AT (Transmission Automatique) et MT (Transmission Manuelle) sélectionnés par le pilote sur le commodo droit.
En mode AT, tous les passages de rapports sont effectués automatiquement sous le contrôle d’un microprocesseur doté d’une fonction de sélection “intelligente” puisqu’elle évalue en permanence le comportement du pilote et de la machine afin de déterminer le moment précis où changer de rapport. À main droite, le pilote peut choisir entre le sous-mode “D” pour privilégier l’efficacité énergétique et la consommation ou le sous-mode “S” afin d’obtenir les meilleures performances possibles (les rapports sont alors prolongés d'un bon millier de tours). Dans tous les cas, les fonctions d’embrayage et de sélection des rapports sont contrôlées par l’électronique, laissant au pilote tout le loisir de profiter de la route qui s’offre à lui. Mais, et c’est primordial, le pilote peut reprendre la main à tout moment pour descendre ou monter un rapport. En mode MT, le pilote utilise les commandes situées à main gauche pour sélectionner les rapports. De cette façon, il peut profiter d’un contrôle direct, montant ou descendant les vitesses en agissant avec l’index sur les commandes « + » ou « – » du commodo gauche. En cas de distraction ou de freinage d'urgence, le DCT redescendra lui-même les rapports s'il trouve que le pilote ne le fait pas assez vite ; par contre, il ne se substituera jamais à lui pour monter les rapports. Quel que soit le mode choisi, le système de transmission à double embrayage Honda assure des passages de rapports rapides et souples, conjugués avec une capacité de propulsion permanente et des accélérations ininterrompues puisque la puissance est transmise au sol de manière continue. On n’est donc pas loin non plus de l’effet d’un shifter et même d’une transmission Seamless comme celles utilisées en GP. Le passage automatique des rapports est si onctueux qu'il en devient parfois imperceptible, même les bruits mécaniques se font plus discrets à mesure que sortent les nouveaux modèles. Le nouveau programme calcule vite les passages de rapports en fonction du type de conduite du pilote, évitant ainsi de se retrouver sur le sixième rapport au beau milieu d’un giratoire, chose qui était possible -et perturbante!- avec la version initiale du software. C’est clairement dans les phases de décélération que le progrès est le plus sensible : on peut s’en remettre au calculateur pourvu qu’on n’opte pas pour un pilotage trop agressif, auquel cas il sera préférable de reprendre la main en descendant l’un ou l’autre rapport par le biais des commandes sur le commodo gauche. Sinon, dans la grande majorité des situations de conduite, le DCT s’occupe de tout : le mode D (Drive) est idéal pour optimiser la consommation tandis que le mode S (Sport) fait grimper le compte-tours et retarde le passage des rapports. Notons que quel que soit le mode retenu, le DCT n’a qu’une influence limitée sur le frein moteur. En termes de sécurité, les journées arrosées nous ont permis de constater que la suavité du système lorsqu’il passe les rapports évite tout défaut de motricité ; ce qui est encore plus appréciable sur un 750 puisqu’il est dépourvu d’antipatinage. A moins bien sûr que vous décidiez d'essorer systématiquement la poignée sur chaussée détrempée... Dans ce cas de figure, le couple bien présent, garant d'accélérations très vigoureuses, peut générer quelques patinages de votre gommard de 200mm.

