MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?

Puisque le Mondial Supersport s’est ouvert à d’autres cylindrées pour éviter qu’on le confonde avec une R6 Cup, MV Agusta a décidé d’y aligner la F3 800 et cette version RR, nantie en plus d’un kit racing est ce qui se fait de plus proche d’une vraie machine de course.

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?

Comme le dit Bernard Lavilliers dans un de ses textes, « tout est possible, rien n’est permis » ; une allégation qui se vérifie le long de nos routes saturées de flash, radars tronçons et autres limitations de vitesse drastiques. Dans ce contexte se pose légitimement la question de la pertinence actuelle d’une sportive affûtée. Qu’en est-il vraiment ? On connaît les contraintes liées à l'utilisation d'une telle moto: aspects pratiques sacrifiés (et sac à dos indispensable!), confort très relatif (position contraignante et exposition au vent), incitation à la recherche de performances, taxes, etc. Cependant, ne méconnaissons pas que les sportives offrent aussi une image forte qui fit d'elles les meilleures ventes de toutes les grandes marques il n'y a pas si longtemps. Ensuite, la sportive reste synonyme de savoir-faire optimal de son constructeur, et s'agissant de MV Agusta, ce n'est pas un vain mot.

Enfin, il est hors de doute qu'elle propose les meilleures solutions dynamiques du moment, ce qui ne manque pas d'avoir des conséquences positives sur la sécurité (freinage, suspensions de haute volée, ...) Alors, le choix d'une sportive ne serait-il plus qu'un pur fantasme pour celui qui ne pratique pas le circuit? Nous ne sommes pas aussi péremptoires parce qu'une sportive reste le porte-étendard d'une marque. Et puis, par sa qualité générale, elle garantit les meilleures prestations qui soient tout en bénéficiant de l'aura de la course, de sorte que l'attrait qu'elle génère reste considérable. Certes le choix vous incombe mais, au terme de l'essai de la F3RR, nous nous refusons à condamner les chasseuses de chrono sous prétexte qu'elles seraient devenues anachroniques. Au contraire, elles entretiennent la passion qui a toujours habité le monde de la moto et, dans les contraintes qui sont inhérentes à notre époque, cela peut être jubilatoire!

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?

De la belle ouvrage? C'est une MV parbleu!

Voilà qu'un observateur neutre, assez peu versé dans les motos, vient ruiner notre fierté en nous déclarant tout de go: "Tiens, je trouve que pour une MV, elle n'est pas aussi belle et spéciale que celles que tu as déjà essayées..." Ah, le béotien! A sa décharge, je reconnais qu'en rouge mat, je ne trouve pas la RR spécialement à son avantage et que la version blanche, vue chez un concessionnaire, me semble plus séduisante. Ceci dit, vue de près, l'Italienne est irréprochable (sa plastique est signée par le Reparto Corse tout de même!), tout comme elle l'est en interne puisque tout un travail d'ingénierie en amont aboutit à réduire les frottements internes et que l’utilisation de soupapes en titane permet au bouilleur de 147cv (88Nm de couple) de tourner plus vite avec un vilebrequin -contrarotatif comme sur tous les 3-cylindres MV!- offrant moins d’inertie et de frictions; on note aussi le recours à de nouveaux injecteurs. Par rapport à la F3 précédente, le châssis a aussi droit à son évolution avec un bras oscillant dont la rigidité longitudinale et de torsion est optimisée pour une plus-value comportementale au freinage, à l'accélération et sur l'angle. Les collaborateurs de Brian Gillen (l'ingénieur en chef) se sont aussi penchés sur les suspensions dont les réglages sont désormais adaptés à un usage piste, et sur la (sculpturale) jante arrière: elle ne perd que 500g mais le gain en inertie monte néanmoins à 7%, et c'est tout bénéfice pour la maniabilité. On peut ajouter une nouvelle ligne d’échappement, un radiateur d’huile plus efficace, un embrayage renforcé et un shifter de troisième génération qui peaufine encore un peu l'excellent dispositif qui équipait notre Turismo Veloce d'essai longue durée en 2020-2021.

La F3RR adopte le tableau de bord TFT de 5,5″ apparu en 2020 sur la Brutale 1000RR. Comme de coutume chez MV, les informations y sont pléthoriques (jusqu'à l'affichage des G encaissées au freinage et à l'accélération!) mais tout se règle et se paramètre avec un seul bouton poussoir, ce qui est parfait en termes d'ergonomie. Cartographies, Traction et Front Lift  Controls, ABS (aussi en virage), frein moteur, réponse aux gaz, Launch Control, vous disposez de tout ce petit monde au bout des doigts...

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?

Si en plus vous faites de votre smartphone le complice de vos virées grâce à l'application MV Ride, vous pourrez également profiter d’un système de navigation, enregistrer et publier vos itinéraires sur les réseaux sociaux, gérer vos appels et paramétrer votre F3 avec une extrême finesse. Sur les bords du Lac de Varèse, on n'a pas non plus mégoté sur l'usage de la soufflerie aérodynamique; il en est sorti de nouveaux ailerons en carbone intégrés au carénage (pour 8 kg de charge supplémentaire à 240 km/h) et un garde-boue avant aux formes torturées qui optimise le flux d’air en direction du radiateur tout en carénant et en refroidissant les étriers de freins.

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?
Le garde-boue avant offre une double fonction aérodynamique et de refroidissement

Sur notre RR d'essai, le kit racing était présent qui intègre un silencieux Akrapovic avec son cache en carbone, un capot de selle et un ensemble de pièces usinées CNC (bouchon de réservoir rapide et leviers). Dans cette configuration, le tonitruant trois-cylindres transalpin passe à 155cv tandis que la balance n'accuse pas plus de 165kg à sec; un rapport poids/puissance plus que prometteur, donc. A quel prix tout cela? 21.900€ hors kit racing; une MV, Môssieu, ça se mérite! Certes, c'est un tarif comparable à celui d’une hypersport aux yeux bridés mais pour en juger, il faut partir du principe que, même sur la plupart des circuits, une F3RR ne rendra virtuellement rien à une 1000 japonaise tout en offrant à son pilote une facilité de conduite supérieure, sans compter qu'elle emmène dans son sillage 37 titres mondiaux et le légendaire Giacomo Agostini.

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?
Le kit racing tel qu'il vous est livré, dans un emballage VIP

Alors, cette supersport?

Il n'est que de se mettre en selle pour s'apercevoir qu'une sportive contemporaine ne fait guère de concession au confort; la F3RR est dure de suspensions et d'assise. Par contre, l'ergonomie n'a pas été sacrifiée sur l'autel de la performance et le Reparto Corse s'est arrangé pour que chacun trouve sa place sur la RR: l'appui sur les poignets est présent mais sans excès et les jambes sont raisonnablement pliées, même un échalas comme votre serviteur n'a pas trop à se plaindre. A titre de comparaison, notre vieille Kawasaki ZX7R impose une position plus contraignante que la MV. Et c'est une prouesse parce que la RR est à peine plus volumineuse qu'une 125 nipponne.

Lors de premiers tours de roues, on perçoit d'emblée une différence par rapport à la Turismo Veloce sur laquelle nous avons parcouru 20.000km: le moteur plus puissant de la F3 (110cv sur la TV) s'avère aussi clairement moins souple. A faible allure, le trois-cylindres sportif regimbe un peu et on peine à trouver le bon filet de gaz, du moins tant que le moteur est froid. Bref, on vous déconseille le démarrage en mode Racesi vous voulez vous faciliter la progression à froid. Au fond, tout cela n'a rien d'étonnant car un moulin au caractère plus pointu est dans l'ordre des choses dès lors qu'on le veut plus puissant et plus apte à prendre des tours. On n'en tiendra pas rigueur au 3-pattes développé par MV car, pour le reste, il répond présent avec toute la fougue et le caractère qu'on lui connaissait sur la Turismo à ceci près que quand cette dernière s'essoufflait, la RR envoie seulement la grosse artillerie. Au niveau des chiffres, la F3 kitée racing de notre essai s'ébroue vers 4500rpm pour ne jamais fléchir avant la zone rouge. Mais là où une supersport japonaise le fait de manière très lisse et sans procurer de grosses sensations, la MV vous gratifie d'envolées qui affolent vos neurones et réjouissent vos sens.

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?

Sauf un peut-être, l'ouïe: ergotons un peu en disant que la sonorité qui s'exhale du silencieux "Akra" n'est pas, selon nous, à la hauteur de la sonorité d'origine; c'est métallique et un peu étouffé par l'homologation. On le comprend, bien sûr, mais ce moteur-là mérite mieux d'un point de vue strictement symphonique. En plus, on aurait tendance à préférer l'esthétique de la triple sortie en losanges d'origine... Tant que nous en sommes aux critiques, moi qui roule souvent en nocturne, j'ai été un peu déçu par l'éclairage. Alors que notre Turismo Veloce était intégralement équipée de LEDs, la F3RR fait des économies (de bouts de chandelles...) et se contente à l'avant d'une ampoule classique. Cela ne handicapera que très peu d'utilisateurs, mais c'est tout de même dommage.

De son côté, la bulle agrandie protège correctement du vent et, sur nos fréquents parcours autoroutiers, nous l'avons appréciée. Tout comme nous plébiscitons la présence du stabilisateur de vitesse. Quoi, un cruise control sur une pistarde? Eh oui et, en usage routier, c'est un vrai plus, par exemple sur les chaussées équipées de radars tronçons. Et puis sur autoroute, ça permet de se détendre en lâchant alternativement les bracelets. Grazie, MV!

Que retient-on d'autre des 600km effectués au guidon de cette F3RR? D'abord que son moulin est plutôt économe (merci Euro-5!): en roulant à l'économie, il est parfaitement possible de descendre sous la barre des 5L/100km, ce qui est remarquable sur une sportive de cet acabit. Ceci dit, force est de reconnaître que rares seront les propriétaires de RR qui s'astreindront à rechercher l'économie. La bonne nouvelle pour eux c'est que, sans faire attention à notre empreinte écologique, nous sommes néanmoins restés sous la barre des 7L/100km.  

Pour le reste, la F3RR vous gratifie du meilleur de ce qu'une pistarde peut offrir. Avec son poids limité, son empattement court et son vilebrequin dont la rotation s'oppose à celle des roues, elle est insolente de maniabilité et change d'angle en bien moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire. Cela doit faire trois saisons que je n'ai plus roulé en R6, mais je n'ai pas le souvenir que la Yamaha s'inscrivait en courbe avec une telle désinvolture. De plus, comme la MV le fait tout d'un bloc (comme les dernières générations de Buell), elle est très rigoureuse sur l'angle et aussi très prévisible.

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?

De nouvelles pièces d'aluminium sont venues la rigidifier et la maîtrise qu'elle dégage sur sa trajectoire rend quasiment inutile l'usage d'un amortisseur de direction dont, a priori, l'absence nous étonnait un peu. Dans le même ordre d'idée, sa stabilité tant au freinage qu'à l'accélération donne confiance et l'anti-patinage n'intervient que sur des voiries rendues glissantes par des éléments extérieurs (poussière excessive du chantier Midi à Bruxelles ou gravillons perdus par un poids lourd au beau milieu d'un virage rhodien). Bref, si la position que la RR impose peut vous fatiguer à la longue, son pilotage lui ne le fait jamais. Elle vous confère aussi ce sentiment de contrôle total que nous avions déjà expérimenté sur la Brutale 1000 RS.

Et, en matière de sécurité, le freinage assure et rassure. Comme sur la Brutale, il est étonnant de vigueur mais aussi de fluidité. Là non plus, on n'est jamais surpris et on se sent apte à répondre à toute situation. L'arrivée de la fonction cornering (c'est-à-dire que l'ABS reste actif aussi sur l'angle) n'est pas utile que sur un circuit, loin s'en faut: pouvoir empoigner son levier droit sans arrière-pensée lorsqu'on est sur l'angle peut être salutaire. C'est d'ailleurs ce que je me suis dit après avoir freiné comme un goret en découvrant les gravillons piégeux dont je parlais plus haut.

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?
Ce freinage-là stopperait une charge d'éléphants...

Au quotidien, vraiment?

Vous objecterez peut-être que je ne l'ai fait que durant six jours à raison de 100km par jour en moyenne et qu'on était en avril/mai, mais je continue à penser qu'une sportive au quotidien reste envisageable. Pour quel public? Ceux pour qui l'image racing (et tout ce qu'elle implique) est importante, ceux qui aiment disposer du matériel le plus pointu -pensez au freinage-, ceux pour qui les qualités dynamiques sont essentielles et ceux pour qui il n'y a esthétiquement pas plus sexy qu'une sportive. Et avec quelles restrictions? C'est simple, il vous suffit d'accepter un confort relatif et quelques contingences liées au manque d'aspects pratiques. Si vous vous y astreignez, une F3RR (ou une autre sportive) vous garantit une vie passionnante au guidon. Et comme c'est une MV, elle fera aussi se tourner les têtes...

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?
La RR n'est pas avare de carbone

Données techniques  

Moteur : 3 cylindres, 4-temps, refroidissement liquide, distribution par double arbre à cames en tête, 4 soupapes par cylindre

Cylindrée : 798 cm3

Alésage x course : 79 x 54,3 mm

Puissance : 147cv (155 avec kit racing) à 13.000rpm

Couple : 88 Nm à 10.100rpm

Alimentation : injection électronique MVICS 2.1 avec six injecteurs et ECU Eldor Nemo 2.1, accélérateur ride-by-wire

Embrayage : multidisque en bain d'huile, shifter électronique MV EAS 3.0

Boîte de vitesses : 6 rapports à prise constante

Transmission finale : par chaine, rapport 17/43

Cadre : Treillis tubulaire en acier ALS. Monobras oscillant en alliage d'aluminium

Suspension avant : Fourche inversée Marzocchi de 43 mm réglable en précharge, compression et détente. Débattement 125 mm

Suspension arrière : amortisseur monoshock Sachs réglable en précharge, compression et détente. Débattement 130 mm

Frein avant : double disque flottant de 320 mm. Etriers Brembo à fixation radiale et 4 pistons de 34 mm

Frein arrière : Disque de 220 mm. Etrier Brembo à 2 pistons de 34 mm

ABS : Continental MK100 avec RLM (Rear wheel Lift-up Mitigation) et fonction cornering

Roues : jantes en alliage d'aluminium, 3.50x17, 5.50x17

Pneu avant : 120/70 - ZR17

Pneu arrière : 180/55 - ZR17

Empattement : 1.380 mm

Hauteur de selle : 830 mm

Garde au sol : 120 mm

Poids à sec : 173 kg (165kg avec le silencieux du kit racing)

Réservoir : 16,5 litres

Consommation moyenne mesurée: 6,9L/100km

MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?
D'après nous, cette triple sortie est bien plus belle qu'un Akrapovic!
MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?
Le shifter gagne encore en douceur par rapport à la Turismo Veloce de notre essai longue durée
MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?
Tout comme le feu avant, les clignotants font l'impasse sur les LEDs
MV Agusta F3RR: supersport au quotidien?
Leviers CNC et caches pour les rétroviseurs sont fournis dans le kit racing
Rude42
Je suis motard et rien de ce qui est motard ne m'est étranger. Motard dès l'âge de huit ans et journaliste/essayeur moto depuis 1988. Une expérience tout à votre service...

Articles similaires

Commentaires

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

[fbcomments url="http://peadig.com/wordpress-plugins/facebook-comments/" width="375" count="off" num="3" countmsg="wonderful comments!"]

Suivez-nous

15,364FansLike
201FollowersFollow
2,530SubscribersSubscribe
Publicité

Populaire cette semaine

Publicité