Avec le Phantom, le Coréen Sena vise l’éméritat en matière de connectivité du motard, et ce pour un coût maîtrisé. Dans quelle mesure un tel casque peut-il séduire un motard peu enclin jusque-là à communiquer au guidon ? C’est ce que nous allons voir.
Pour l’essai complet du Sena Phantom, rien de mieux que de lire ce qu’en disait Sylvain R il y a quelques semaines : https://www.objectif-moto.com/sena-phantom-quand-lintercom-sintegre-completement-au-casque/
Contrairement à Sylvain qui est féru d’intercoms depuis des années, j’ai toujours résisté, méfiant que j’étais des perturbations engendrées par une conversation durant la conduite. Peut-être avais-je tort.


Le Phantom, une espèce à part
Décrit par Sena comme un casque intelligent offrant « une nouvelle génération de protection », le Phantom est le premier casque entièrement conçu et fabriqué par Sena dans sa toute nouvelle usine chinoise. Ce changement stratégique en dit long sur les ambitions de Sena qui décide de maîtriser entièrement la production pour optimiser la sécurité et la performance de ses systèmes de communication intégrés. Etalonnons d’abord le Phantom en tant que casque avant de nous focaliser sur les technologies qu’il embarque.
Le Phantom est un intégral d’aspect sportif en fibres composites répondant à la norme européenne 22.06. Deux calottes différentes lui permettent de couvrir les tailles du S au XXL. Sur une balance de précision, notre Phantom XXL accuse 1836g, ce qui est normal vu ce qui y est intégré, notamment une batterie fixe rechargeable à l’arrière du casque (USB-C). Tout le dispositif devient ici remarquablement discret, on note qu’il déporte la commande d’écran solaire sur le sommet du casque ; une solution certes inhabituelle mais à laquelle on se fait vite. Les aérations ne sont pas négligées malgré l’intégration de l’intercom : 5 prises d’air sont présentes sur la face avant ainsi qu’un extracteur à l’arrière. Leur efficacité est réelle s’agissant de la prise d’air de mentonnière, un peu plus limitée pour les trois supérieures dont on sent néanmoins les filets d’air sur le front mais pas à l’arrière du crâne. A l’usage, le Phantom s’avère doux et confortable à porter (pas de problème pour caser des lunettes) et il procure un champ de vision panoramique tant horizontalement que verticalement. Un léger bémol concernant l’écran solaire, je l’ai trouvé trop peu fumé pour filtrer efficacement un fort soleil de face.
Vraiment pas mal
Son aérodynamique est réussie car il bouge peu dans les flux d’air, même au guidon d’un roadster dépourvu de protection. Globalement, l’intégral Sena masque très bien son poids car il s’avère à la fois bien profilé et bien équilibré. S’agissant de niveau sonore, le Phantom est une bonne surprise ; c’est un casque silencieux dont la sonorité évolue dans le registre des graves, peu agressives pour les oreilles. Ici, pas de sifflements ou de bruits dérangeants ; c’est tout bénéfice pour la communication comme on le verra plus loin. Avant d’en venir à ses aspects connectés et intelligents, mettons encore en exergue 3 bons points marqués par le casque Sena : son mécanisme de (dé)pose de l’écran est des plus simples, sa visière se verrouille lorsqu’elle est complètement fermée et son premier cran permet de rouler avec une faible ouverture même sur autoroute. Sur le site de Sena, j’ai pu lire des commentaires d’utilisateurs qui reprochaient à l’habillage du Phantom de s’avachir après quelques temps et à sa visière de ne plus aussi bien marquer les crans successifs de fermeture ; ce sont des soucis que je n’ai pas avec mon exemplaire. Donc, en tant que casque, le Phantom est un coup d’essai très bien réussi par Sena. Voyons maintenant tout ce qu’il a à offrir de plus, tout en gardant à l’esprit qu’a priori, un casque connecté ne m’attirait pas spécialement.


Restons dans la lumière
Ne jugeant toujours pas primordiales les possibilités de téléphoner ou d’écouter de la musique, j’avoue que j’ai d’abord été séduit par les feux intégrés au Phantom et par son prix raisonnable de 527€ hors remise. Soyons réalistes : distinguer une moto dans la foule des feux arrière des voitures, sur autoroute par exemple, n’est pas chose facile. Alors, des diodes rouges sur l’arrière du casque sont une plus-value en termes de sécurité. Dès qu’on a téléchargé l’application dédiée sur son portable, la connexion est immédiate et on a le choix entre trois configurations : feux constamment allumés, clignotement lent ou clignotement rapide de type flash. Plus-value supplémentaire : un accéléromètre intégré au casque décèle les freinages et transforme vos diodes en « stop » additionnel. C’est bien vu, tout ça ! Surprise, le Phantom dispose aussi d’un feu avant ; sa luminosité considérable aurait pu en faire un feu de jour mais ce n’est pas le cas : il s’agit en réalité d’une « lampe de poche » à utiliser dans les environnements très sombres et qui s’éteint automatiquement après 5 minutes. Mais rien ne vous empêche de l’allumer quand vous remontez les files d’un embouteillage, par exemple (grâce aux boutons sur le côté droit du casque) ; c’est un point (très) lumineux supplémentaire susceptible d’attirer l’attention des automobilistes dans leurs rétroviseurs.


Une découverte, à tout le moins
Le partenaire de Sena pour le son est Harman/Kardon, la référence américaine en la matière ; c’est une indéniable garantie de qualité, d’autant que les haut-parleurs Harman/Kardon sont ici de la deuxième génération. Le résultat est à la hauteur des attentes ; le rendu musical, le guidage GPS, la conversation téléphonique, tout est assurément de qualité supérieure, quelles que soient les conditions de roulage. D’autre part, grâce à l’AINR (Artificial Intelligence Noise Reduction), le micro intégré dans la mentonnière reste sourd à tous les bruits extérieurs et vos interlocuteurs vous disent invariablement : « On ne pourrait jamais croire que tu es à moto ! »
Pour les connaisseurs, l’intercom embarqué ici est le 60S, soit le porte-drapeau de Sena, à la pointe de la technologie. A lui seul, il vaut 400€, ce qui nous permet de saluer l’effort du fabricant pour garder un prix plus ou moins démocratique à son Phantom. Cet intercom présente une double compatibilité Mesh 3.0 et Wave Intercom, c’est-à-dire que vous pouvez communiquer via Bluetooth (Mesh, portée de 2km, 24 participants maximum) ou via les réseaux cellulaires (Wave, distance et participants illimités mais dépendant de la couverture réseau). Une restriction tout de même : le Mesh 3.0 n’est pas rétro-compatible ; donc, si madame sur le siège passager, dispose d’un intercom plus ancien, vous ne pourrez pas communiquer…

L’intelligence artificielle est partout
Le Phantom tire un second parti de l’AINR : puisque votre micro filtre à la perfection le bruit ambiant, les commandes vocales peuvent pratiquement tout faire et se substituer ainsi à l’utilisation des boutons physiques présents sur les flancs gauche et droit du casque. Vous pouvez diriger les assistants virtuels comme Siri ou Google, commander la musique, accepter ou refuser les appels, appeler vous-même, etc. C’est d’une grande facilité à deux remarques près : d’abord, les commandes vocales ont parfois des ratés et tout se passe comme si votre casque ne vous entendait pas. Ce n’est pas fréquent, mais ça arrive. Ensuite, les commandes en français manquent d’homogénéité car certaines consignes se donnent à l’infinitif (« Répondre »), d’autres à l’impératif (« Monte le son »), d’autres encore au substantif (« Couplage téléphone »). J’ai l’air de pinailler, mais cette hétérogénéité des commandes complique la tâche de l’utilisateur au moment de les mémoriser et, après plus de deux mois de pratique, je galère toujours un peu. C’est pour ça qu’il y a aussi des boutons, pardi !


Pour conclure
Alors c’est vrai, avec les boutons, y a pas de malaise, ça fonctionne aux petits oignons. Encore faut-il se souvenir des combos de commandes à utiliser pour atteindre son objectif (parfois c’est alambiqué et on se croirait sur une console dans Mortal Kombat !) et encore faut-il ne pas porter de trop gros gants sans quoi, on ne sent plus clairement les commandes sous les doigts. Cela dit, la seule question pertinente restant à se poser vu le contexte de cet essai, c’est : « Le réfractaire est-il convaincu ? » La réponse est oui. Même si personnellement, je ne ressens pas le besoin d’être à tout prix joignable lorsque je suis au guidon, je concède volontiers que ce Sena Phantom m’a séduit. Par ses qualités de casque d’abord : confortable, aérodynamique et silencieux, il est un excellent casque sport-GT. Par la sécurité active que lui procurent ses diodes avant et arrière ainsi que son feu stop. Enfin, par ses grandes qualités sonores. Je ne m’y attendais pas forcément, mais rouler en écoutant de la bonne musique dans de –très- bons haut-parleurs, eh bien c’est fort agréable. De même, je n’ai jamais éprouvé le sentiment d’être déconcentré par la musique ou par une conversation. Tout cela finalement proposé au prix d’un bon intégral standard. Et cerise sur le gâteau, l’autonomie offerte par la batterie intégrée est de 35 heures en conversation (confirmée par notre essai), ce qui écrase littéralement la concurrence, d’ailleurs largement plus chère, Cardo en l’occurrence. Alors bravo Sena, non ?

Post-scriptum
Lors du récent salon Eicma de Milan, Sena a présenté plusieurs variantes de son Phantom parmi lesquelles nous en épinglerons deux : l’ANC et l’Extreme Bass. Ce dernier est optimisé pour les mélomanes qui mettent l’accent avant tout sur la restitution sonore. Quant à l’ANC (Active Noise Reduction), il utilise l’intelligence artificielle pour limiter le bruit ambiant perçu non plus par le micro, mais par le pilote. Sena annonce une réduction de 20db des bruits perçus, ce qui serait excellent puisque Cardo de son côté ne revendique que 10db de moins sur son casque pourvu de l’ANC.










