Essai de la MV Agusta F4 R312

Nimbée de lumière

Peu de marques peuvent se targuer d'un passé aussi prestigieux que celui de MV Agusta. La R312 perpétue brillamment cette aura. La piloter est un privilège . la maîtriser, une prérogative. Rencontre de prestige avec une moto qu'on n'oublie pas. Les années se succèdent sans que le temps corrompe en quoi que ce soit la silhouette sculpturale de la F4. Quelle autre moto pourrait se permettre de rester presque identique depuis sa première apparition en 750cc ? Remarquez, une sortie en compagnie d'une F4 750 de la première génération nous a permis de mesurer les progrès accomplis par les gens de Rimini en termes de finition et de qualité des matériaux. L'ensemble a certes toujours été de bonne facture, mais les 1000 actuelles -et la 312R en particulier- ont fait un pas supplémentaire vers l'excellence de la qualité perçue. Comme nous le disait un jeune motard dans le paddock d'un circuit : " C'est la première fois que je vois une MV en réalité . elle est encore plus belle que sur les photos. Tu la regardes, et tu ne trouves plus tes mots... "Esthétiquement, il n'y a guère de nouveautés pourtant sur cette 312R : hormis le coloris blanc nacré et la finition différente des silencieux (qui sont signés Arrow). Pourtant, sa nouvelle robe blanche lui sied si bien que la F4, ainsi habillée de lumière, semble réinterprétée. Voilà déjà une manière de digérer les 21.990€ nécessaires à son acquisition . mais c'est loin d'être la seule raison !

Parfaite pour qui s'y soumet
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De ce qui précède, il découle à l'évidence qu'une MV Agusta F4 est un objet plus exclusif que ses " rivales " nippones. Les guillemets s'expliquant par les quelque 8000€ supplémentaires que coûte l'Italienne, mais aussi par le supplément d'âme incontestable qu'elle propose à son pilote. A l'arrêt, dans le détail, en mouvement, une MV vous fait accéder à un autre registre motocycliste, celui d'une exception qui n'exclut nullement une relation passionnelle avec une compagne au caractère fort. Une " moto d'homme " dans toute l'acception du terme . car ici, c'est le pilote qui fait tout puisqu'aucune assistance électronique n'est prévue. Oubliez l'antipatinage, négligez les injecteurs multiples, snobez les cartographies à la carte, méprisez même l'antidribbling : ici, il y a vous, les chevaux et une musique incomparable, c'est tout ! Ah non, ce n'est pas tout : il y a aussi une injection beaucoup mieux maîtrisée que sur les Brutale essayées en juin dernier. Il n'y a qu'à froid que le calculateur de la 312R hésite un peu. Une fois que le moteur est à température, l'injection se fait virtuellement oublier . ce qu'on apprécie autant sur route que sur piste.

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La plaquette d'identification rivée au cadre n'en fait pas mystère : d'origine, le système d'échappement de la 312R crache 100db, là où les Japonaises se contentent généralement de 93db. Mais, plus que cette différence objective de volume, c'est la tonalité de la sonorité MV qui en révèle tout l'attrait puissant : vous mettez en route dans la voie d'accès à la piste et les autres pilotes se retournent pour voir d'où émane cette symphonie rauque et profonde. Et, à mesure que l'on monte dans les tours, l'admission s'allie à l'échappement pour gratifier le pilote d'un environnement acoustique grisant et virtuellement sans équivalent dans la production actuelle. Le problème, c'est que nous voyons mal une MV d'origine acceptée sur les tracés où l'on vérifie le niveau sonore, comme c'est le cas à Folembray par exemple. 192kg peuvent paraître beaucoup en comparaison des poids affichés par les sylphides Japonaises. Mais, comme l'importateur MV le souligne à juste titre : " Chez nous, le poids annoncé est le poids effectif relevé sur une balance sans les pleins. Et on sait que ce n'est pas toujours le cas chez les Nippons. " Ce surpoids est-il sensible ? Pas vraiment : si la 312R est effectivement plus physique à emmener qu'une 1000 aux yeux bridés, c'est davantage la conséquence de son châssis tubulaire et de sa partie cycle privilégiant l'efficacité plutôt que la vivacité.

 

Essai de la MV Agusta F4 R312 Essai de la MV Agusta F4 R312 Essai de la MV Agusta F4 R312

 

En réalité, la F4 312R est plus puissante que coupleuse. Bien sûr, elle reprend avec bonne volonté dès les basses rotations . on ne peut donc pas l'accuser d'un manque de souplesse. Toutefois, pour que son 4-cylindres dépote vraiment, il faut attendre les alentours de 5000rpm. Encore nous faut-il préciser à ce stade que nous avons pris possession de l'Italienne avec zéro kilomètre au compteur . la rendant 1200 bornes plus loin. Pas question donc d'un bloc libéré, même s'il nous a semblé respirer davantage à chaque sortie une fois passé le cap des 300 kilomètres initiaux. Et pourtant, quel moteur ! Le propulseur MV prend ses tours avec l'allant d'un 600, sauf qu'il vous catapulte beaucoup plus vite vers la courbe suivante. Il pousse vraiment très fort -aussi fort que le nouveau GSXR 1000- sans s'essouffler le moins du monde jusqu'au rupteur qui intervient aux alentours de 13000rpm. Aussi fort disions-nous, mais avec quelque chose de plus qui rejoint ce supplément d'âme évoqué plus haut : une fougue qui génère pour le pilote une kyrielle de sensations liées à la fois à la poussée " canonesque ", à la sonorité d'un Mozart mécanique et à l'étonnante absence d'inertie. Témoignage d'un pilote de GSXR 750 2004 : " Quand tu t'es raté à l'épingle (euh, oui j'avoue...), j'en suis ressorti juste à côté de toi en pensant pouvoir te passer à la réaccélération. Même pas en rêve : une fois que tu as ouvert, la MV m'a littéralement collé sur place et j'ai eu 50m dans la vue en quelques secondes. " Voilà qui corrobore parfaitement les sensations ressenties au guidon : un catapultage en règle à chaque rotation de la poignée droite, laquelle requiert évidemment d'être traitée avec respect et circonspection puisqu'aucune assistance électronique ne vient vous faciliter la vie. L'avantage de la situation c'est que, lorsque vous parvenez à aller vite (ce qui m'a pris 3 runs tout de même),

 

c'est forcément la conséquence de votre pilotage...

 

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Pour aller vite en F4, il ne suffit pas de titiller sa furieuse cavalerie, il faut encore se plier aux exigences d'une partie cycle qui rappelle avec précision celle des Ducati 916 à 999. En l'occurrence, on s'appuie sur un avant rivé au sol dans une précision quasi chirurgicale. Le travail de la fourche s'accompagne lui aussi d'une remontée d'informations précise, mais qui était grevée, sur notre machine d'essai, par un curieux choix de pneus effectué en usine avant la livraison : un D209 Race à l'arrière (ça, c'est tout bon) et un D209 Street plus dur à l'avant (ça, ça ne le fait pas quand on attaque sur piste). La conjonction du monobras et du cadre tubulaire particulièrement rigide fait que, de prime abord, la 312R vous semble trop sous-vireuse, malgré l'effet gyroscopique moindre dû aux jantes forgées. Alors, on se force à déhancher davantage qu'à l'accoutumée, et on utilise la pression sur les pose-pieds (dans ce cas-ci, sur le pose-pied intérieur) plus systématiquement que sur une Japonaise. Et, quand on a assimilé ce modus operandi, la F4 s'abandonne à son pilote. Ce dernier transpire certes plus qu'au guidon d'une Niponne, mais il finit aussi par aller plus vite car la précision des trajectoires et la puissance/dosabilité stupéfiantes du freinage permettent des entrées et des passages en courbe à l'avenant des accélérations. Bien menée, une F4 devient donc un redoutable outil de précision. Exigeant mais grisant, excitant. Le couple constitué du monobras et de l'amortisseur Ohlins fait quant à lui merveille en sortie de courbe, au moment où la cavalerie déferle pour revenir sur tout ce qui vous précède. Nous sommes tentés de croire que, à pilotage égal, rien ne résiste à une 312R . ce ne sont pas les ZX10R et 1098 mises à l'épreuve qui diront le contraire...

 

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Jouissive et... insupportable
Essai de la MV Agusta F4 R312

La F4 312R s'est donc montrée impériale sur circuit. On pourrait en dire autant des 1000 japonaises actuelles, quoique dans une moindre mesure. Parc contre, ce que les Nipponnes n'ont pas, c'est cette faculté de transcender votre pilotage et de vous faire goûter à toute une déclinaison de sensations fortes dans toutes les phases de pilotage. Incontestablement, le plaisir généré par cette MV Agusta est supérieur. Nous voulons dire objectivement supérieur parce qu'il tient au ressenti du pilote.Hors piste, il est évident que le prestige joue également à plein. Le possesseur d'une MV chevauche à l'évidence une machine d'exception en comparaison de laquelle la multitude de pièces tuning dont on peut affubler une Japonaise semble rien moins qu'incongrue.

 

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Pourtant, en considérant l'inconfort cruel imposé par la MV à son pilote (et on pourrait y ajouter un embrayage et une boîte durs typiquement italiens) et ses consommations oscillant entre 9 et 10L/100km, il n'est pas certain que ce dernier jouisse sur nos chaussées du plaisir ressenti sur un circuit. Voilà pour les considérations rationnelles. Parce que, au-delà de cela, j'avoue qu'on se fiche complètement d'avoir mal au derrière ou aux poignets, de consommer un litre de plus ou de ne pas disposer de la dernière assistance électronique à la mode : au guidon de la 312R, on prend tout simplement de la hauteur. On met de la distance entre soi et les autres.

(photos : Maxime Renard et Sébastien Czeryba)

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Rude42
Je suis motard et rien de ce qui est motard ne m'est étranger. Motard dès l'âge de huit ans et journaliste/essayeur moto depuis 1988. Une expérience tout à votre service...
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