Suzuki Hayabusa: résilience d’une icône

A rebours du courant bien pensant et politiquement correct qui exigerait de recourir au downsizing sur les plus grosses motos, Suzuki nous propose une troisième génération de son faucon. Toujours aussi intimidante, l’Hayabusa est plus que jamais une machine aboutie qui s’y entend pour faire battre le cœur. Arigato, Suzuki San !

Si la marque d’Hamamatsu ne cachait pas l’inspiration américaine de ses deux premières Hayabusa, en référence aux mythiques muscle cars de l’Oncle Sam, elle la rend plus discrète sur la nouvelle. Néanmoins, les effluves de l’Amérique hantent toujours son sillage et le splendide tableau de bord en est le plus sûr témoin. Cette instrumentation est d’ailleurs une des plus belles que nous ayons vues sur une moto : exhaustive et inspirée, elle a le bon goût de ne pas sacrifier à la mode impersonnelle de la « tablette » de bord.

Suzuki Hayabusa: résilience d’une icône
Notez également les bracelets surélevés. Tous les menus de l'électronique embarquée se commandent au comodo gauche à l'exception de la commande du cruise control qui se trouve à droite

Ce modèle 2022 n’est peut-être plus aussi American Express que par le passé, mais à l’instar d’une carte de crédit, la nouvelle Hayabusa vous fait accéder à nombre de plaisirs (avouables ou non) qui peuvent aussi vous coûter cher! Surtout en ces temps où la répression semble devenir la norme… Zoom sur un Phénix qui rêve de renouer avec le succès commercial de ses illustres prédécesseurs qui avaient connu des longévités exceptionnelles pour des sportives. Passé l'étonnement initial, qui remonte à 1999, la plastique et la philosophie différentes de l’Hayabusa ont eu tout le temps de s’imposer et nulle autre machine sans doute n’illustre mieux le concept de Ultimate but mastered power (puissance ultime mais maîtrisée). Cette troisième génération le confirme en repoussant bien plus loin les limites du slogan ; qu’on se le dise : cette grosse moto est bien une sportive, pas une routière qui se donnerait des airs agressifs. Une sportive donc, mais confortable et conciliante.

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Une Hayabusa n'est jamais aussi heureuse qu'en mode sportif, tout comme son pilote!

A pour américaine?

En dépit d'un très beau succès européen, c'est aux Etats-Unis que l'Hayabusa s'est le mieux vendue. Les tunings les plus délirants foisonnent Outre-Atlantique, à grands renforts de turbos de 500cv, de chromes et de kits NOS... Rien d'étonnant dès lors à ce que l'ingénierie d'Hamamatsu ait encore tenu compte des tendances US au moment de régénérer son faucon. Sans négliger bien entendu la nécessaire souscription à la norme Euro5 qui explique d’ailleurs une légère perte de puissance (190cv contre 197) et de couple (150Nm contre 155), lesquelles sont compensées par un surplus de puissance délivré en bas du compte-tours avec plus de régularité qu’auparavant.

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Un exemple US parmi tant d'autres...

Considérons l'esthétique, Suzuki jalouse de son côté décalé a tenu à la conserver tout en affinant considérablement l’ensemble. Nous avons hérité pour cet essai de la version gris mat rehaussé de touches rouge métallisé, et il faut préciser ici que  les photos ne lui rendent pas justice. Comme nous le disait un concessionnaire : « Cette Buse grise, quand tu la vois sur cliché, elle ne vend pas de bonheur mais quand tu la vois en vrai, qu’est-ce qu’elle claque ! » De fait, nous en ferons sans hésiter la plus belle des Hayabusa depuis 1999, et ce jugement fut entériné par un nombre incalculable d’observateurs au long de notre test.

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En réalité, dans ces coloris, elle est ma-gni-fi-que! Enfin, c'est un avis personnel...

Le tableau de bord donc continue de faire ouvertement référence à ceux des Camaro, Barracuda, Mustang et autres Corvette. On n'a vraiment rien à lui reprocher à cette instrumentation qui, outre qu’elle s’équipe de l’ordinateur et du décompte kilométrique qui manquaient à l’ancienne, offre maintenant tout ce qu’une référence contemporaine se doit d’offrir. On peut tout y paramétrer du bout des doigts et puis, elle est sacrément belle à regarder. Tant qu’à évoquer le paramétrage, voyons cela de plus près. Équipée de la version la plus évoluée du SIRS (Suzuki Intelligent Ride System), l’Hayabusa permet à son pilote de profiter de fonctionnalités multiples au comodo gauche :

Suzuki Drive Mode Selector Alpha comprenant une sélection de 3 préréglages d'usine et de 3 modes personnalisables concernant les paramètres suivant :

  • Contrôle de traction (10 modes + OFF) ;
    • Mode d'alimentation (3 modes) ;
    • Shifter bidirectionnel (2 modes + OFF) ;
    • Contrôle anti-soulèvement (10 modes + OFF) ;
    • Contrôle du frein moteur (3 modes + OFF) ;
    • Limiteur de vitesse ;
    • Launch Control (3 modes) ;
    • Signal d'arrêt d'urgence ;
    • Système de démarrage facile (Suzuki Easy Start System) ;
    • Assistance à faible régime (pour éviter de caler) ;
    • Régulateur de vitesse ;
    • Système de freinage couplé ;
    • Système de freinage « Motion Track » suivant les conditions ;
    • Système de contrôle de la pression des freins dépendant de la pente ;
    • Aide au démarrage en côte.
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Tout y est donc et plus encore puisqu’en fonction de l’affichage choisi, l’écran central peut aussi vous montrer votre angle actuel tout en enregistrant les angles maxima atteints lors de votre roulage. D’accord, ça ne sert pas à grand-chose, mais vous savez ce qui vous reste à faire pour atteindre le niveau d’un pilote de MotoGP… Tout ce marché aux puces électroniques est génial mais je tiens à dire qu’il aurait pu être plus intuitif, car je n’en ai pas saisi toute la logique durant mes quelques jours d’essai malgré le briefing rapide dont m’avait gratifié le mécanicien Suzuki avant mon départ.

Comme tout son plumage, l'arrière-train du faucon a fait l'objet d'études très suivies en soufflerie, il en sort une coque qui, si elle évoque moins celles des voitures américaines des golden sixties, est si peaufinée que l’optique dispose de son propre spoiler aérodynamique. Tout cela pour vous dire que la réflexion récurrente est: "Oui, elle est plus belle que l'ancienne, et elle a perdu ce je ne sais quoi de rétro qu’elle avait avant."

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Le souci du détail est clairement présent partout sur l'Hayabusa; à l'arrière aussi

A notre sens, Suzuki a magistralement joué la continuité, la cohérence esthétique tout en rajeunissant son modèle et en lui conférant une agressivité très supérieure. Sauf sans doute en ce qui concerne les silencieux d'échappement: certes, ils sont plus courts qu’avant, mais un bigleux pourrait toujours les confondre avec les cheminées du Titanic! Et, comme il fallait s'y attendre, la sonorité s'en ressent: la nouvelle Hayabusa est vraiment silencieuse, mais cela ne dilue pas les sensations de conduite car le nouveau système optimise le couple dans les bas et moyens régimes. Comme dans une voiture américaine, quoi... En réalité, il n'y a qu'aux deux régimes clés de 3500 et 6000rpm qu'on entend grogner l'admission. En dehors de cela, on se repaît du registre très grave dans lequel s'exprime la mécanique.

V pour vendetta

Ou les coups de gueule du vengeur... casqué. Dotée de son esthétique plus acérée, l’Hayabusa peut désormais plaire à ceux qui étaient allergiques aux rondeurs des deux générations précédentes. Elle comblera aussi les quelques-uns qui restaient sur leur faim s’agissant du freinage du faucon car tant les étriers six pistons de la première que les radiaux de son upgrade en 2008 ne satisfaisaient pas les trappeurs. Cette fois, Brembo équipe la Suzuki de ce qui se fait de mieux en Italie : les étriers Stylema équipant entre autres la Ducati Panigale V4 R ou la MV Agusta Brutale 1000 RR. Puissance, progressivité et endurance, tout y est à profusion. Et grâce à la commande désormais radiale, le mordant est parfaitement maîtrisé et le feeling ressenti en profite pleinement ; ajoutez-y que l’ABS joue tout en douceur et vous obtenez un tableau virtuellement parfait.

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Malheureusement, le dosseret de selle est désormais une option (indispensable?) à glaner dans le catalogue des accessoires

En quête de griefs, on pourrait incriminer la protection aléatoire offerte par la bulle plutôt courte et basse: le buste et les avant-bras sont protégés, mais la tête et les épaules sont soumises à une pression sensible dès que la vitesse s'élève. Il est hors de doute que les routards passeront à une bulle adaptable plus enveloppante. Et peut-être aussi aux poignées chauffantes disponibles dans le catalogue d’accessoires d’origine (432€ hors placement, gloups !)

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La protection laisse effectivement à désirer

Nous avons constaté aussi une avancée significative en matière de consommation d’essence, un sujet ô combien sensible de nos jours. Alors que sur la génération précédente, elle avait varié de 7,5 à 9 litres aux cent, la nouvelle Hayabusa s’est cette fois contentée d’une moyenne de 6L/100km sur les 750 bornes parcourues à son guidon. Cela sans que nous ayons réellement tiré la quintessence du moteur, il faut le préciser. L’autonomie offerte par le réservoir de 20L devient donc considérable et nous avons à chaque fois dépassé les 300km avec un plein. Pas mal pour une sportive! Et pour en finir, une considération ontologique: à quoi sert de nos jours une sportive de 190cv? Sans vouloir endosser la défroque du rabat-joie, nous pensons que l'acheteur potentiel d'une Hayabusa doit se poser cette question. Car, par ses performances exceptionnelles, cet American Express peut effectivement vous coûter encore plus cher qu'une carte de crédit. Disons que si vous faites subir à la poignée droite la même torsion que vous appliqueriez, par exemple, à votre MT-09 qui vous emmènerait alors à 100km/h. l'Hayabusa elle, vous met sur orbite à plus de 200km/h! Et ce n'est pas une façon de parler... Ceci dit, elle le fait avec tant d’égards pour son pilote qu’il est encore plus tentant de se faire plaisir.

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Avec ses feux de position latéraux qui se muent en clignotants, la signature lumineuse de la "Buse" est reconnaissable

E pour éloge

Soyons justes: des éloges, la GSX1300R en mérite son lot. Et d'abord pour son moteur, qui s'avère une inépuisable source de sensations et de puissance. Par une augmentation de la course mais pas de l'alésage, le propulseur était passé de 1299 à 1340cc en 2008 et avait gagné encore en couple. Le taux de compression reste à 12,5:1. Les soupapes sont en titane et l'injection reçoit évidemment la double valve papillon, synonyme de douceur de fonctionnement. Signalons toutefois que le Ride-by-Wire vient parfois contredire cette suavité en provoquant une réponse des gaz peu précise ; mais c’est pour pinailler. D'une souplesse parfaite, le bloc permet de repartir en 6ème sur le ralenti. Il s'éveille ensuite à 3500rpm, régime à partir duquel la poussée devient dantesque pour connaître un nouveau pic vers 6000/6500rpm.

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De là, c'est postcombustion jusqu'au rupteur sans la moindre faiblesse et toujours avec le sentiment grisant de chevaucher un missile. Soulignons que cette poussée n'est pas dénuée de caractère, car l'Hayabusa n'a pas ce côté outrageusement linéaire de nombreuses productions nippones. Défaut de sa qualité, voilà un moteur qui ne donne jamais l'impression de forcer (c'est dû aussi à sa sonorité contenue). De sorte que, sur autoroute notamment, on peut avoir l'impression de se traîner alors que l'on croise aux alentours de 160km/h ; voilà qui peut être fâcheux sur les radars tronçons...Tout comme les modèles précédents, ce jeune faucon surprend par ses aptitudes à la conduite musclée. Là où une Kawasaki H2 SX est une routière ultraperformante, l'Hayabusa est bien une sportive de gros calibre.

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Cela ne se voit pas sur les photos, mais le kanji Hayabusa est présent jusque dans l'optique de phare

Intuitive en entrée de courbe pourvu qu'on lâche les freins avant d'angler, la Suzuki sait aussi tenir remarquablement son cap et s'avère d'une rigidité étonnante. Son handicap pondéral par rapport à une hypersport (de l'ordre de 50kg tout de même...), elle le masque avec effronterie et il n'y a que sur parcours très sinueux (le circuit est tout à fait envisageable) où son pilote devra lâcher prise s'il s'oppose à d'authentiques sportives. Car elle est rudement maniable et précise, cette 1340. Même en ville, elle se fait oublier. Et puis, n'en finissons pas avec ce chapitre dynamique sans citer la présence rassurante d'un amortisseur de direction piloté électroniquement. Nous évoquions la ville parce qu’un usage quotidien n'effraie nullement une Hayabusa qui, en dépit de son physique bodybuildé, est d'une facilité et d'une docilité déconcertantes.

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En athlétisme, les sprinters aussi sont bodybuildés!

Des fleurs encore pour les transmissions, car l'ensemble embrayage et boîte est tout simplement parfait, avec en prime une démultiplication adaptée aux performances de la moto qui ne tire ni trop long ni trop court. Quant au shifter up and down, il est d’une discrétion parfaite quand on monte les rapports et se fait un peu plus présent quand on rétrograde. De toute façon, avec la souplesse du moulin, je me suis surpris plus d’une fois à parcourir Bruxelles calé en troisième en mode tout automatique…  Des fleurs enfin pour un des aspects qui nous a le plus étonnés sur cette nouvelle Hayabusa: le confort. L'ancienne n'était pas radicale. celle-ci parvient carrément à prendre soin de vous, n'était la protection perfectible dont nous parlions plus haut. La sellerie est large et moelleuse (un peu trop large si on veut déhancher, mais on ne le fera pas tous les jours), le guidon, surélevé par rapport à la seconde génération, tombe tout seul dans les mains et les jambes ne sont pas trop pliées. Et avec ça, le travail des suspensions Kayaba est absolument épatant car elles amortissent efficacement les reliefs, tout en conservant leur efficience sportive. Chapeau Suzuki, parce qu’un tel compromis confort/efficacité nous semblait jusque-là réservé aux meilleures productions estampillées Öhlins!

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Ces gars-là savent maintenir un cap, et nous leur en sommes reconnaissants

Au fond, on parvient à la conclusion en se disant qu'en cela aussi, l'Hayabusa s'apparente à ce qu'on aime en Amérique: des trucs virils qui dépotent gravement mais qui restent conviviaux et confortables. No way: il y a même un rangement sous la selle passager où j’ai pu placer mes deux cadenas !

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Fiche technique Suzuki Hayabusa 2022

  • Moteur : 4-cylindres en ligne, 4-temps, refroidissement liquide, double arbre à cames en tête
  • Cylindrée : 1.340 cm3
  • Alésage x course : 81 x 65 mm
  • Rapport volumétrique : 12.5:1
  • Puissance : 190ch à 9.700 tr/min
  • Couple : 150Nm à 7.000 tr/min
  • Alimentation : injection électronique
  • Démarrage : électrique
  • Allumage : électronique transistorisé
  • Lubrification : Carter humide
  • Embrayage : multidisques
  • Boite de vitesse : 6 rapports
  • Transmission finale : chaîne
  • Cadre : double longeron en aluminium
  • Suspension avant : fourche inversée KYB de 43 mm
  • Suspension arrière : mono amortisseur KYB entièrement réglable
  • Angle de chasse : 23°
  • Chasse : 90 mm
  • Frein avant : double disque de 320 mm, étriers Brembo Stylema à 4 pistons, ABS
  • Frein arrière : simple disque, étrier Nissin simple piston, ABS
  • Pneu avant : Bridgestone Battlax S22 120/70ZR17M/C (58W)
  • Pneu arrière : Bridgestone Battlax S22 190/50ZR17M/C (73W)
  • Longueur : 2.180 mm
  • Largeur : 735 mm
  • Hauteur : 1.165 mm
  • Empattement : 1.480 mm
  • Garde au sol : 125 mm
  • Hauteur de selle : 800 mm
  • Poids en ordre de marche : 264 kg (-2kg par rapport à 2008)
  • Réservoir : 20 litres
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Rude42
Je suis motard et rien de ce qui est motard ne m'est étranger. Motard dès l'âge de huit ans et journaliste/essayeur moto depuis 1988. Une expérience tout à votre service...

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